Ipcress - Danger immédiat voir ce film regarder en ligne avec sous-titres anglais QHD

  • Ipcress – Danger immĂ©diat
  • (The Ipcress File)
  • Royaume-Uni
  • -
  • 1965
  • RĂ©alisation. Sidney J. Furie
  • ScĂ©nario. Bill Canaway, James Doran
  • d'après. le roman Ipcress – Danger immĂ©diat
  • de. Len Deighton
  • Image. Otto Heller
  • DĂ©cors. Ken Adam
  • Montage. Peter Hunt
  • Musique. John Barry
  • Producteur(s). Harry Saltzman
  • InterprĂ©tation. Michael Caine (Harry Palmer), Nigel Green (Dalby), Guy Doleman (Ross), Sue Lloyd (Jean), Gordon Jackson (Carswell), Aubrey Richards (Radcliffe), Frank Gatliff (Bluejay), Thomas Baptiste (Barney).
  • Date de sortie. 20 octobre 2010
  • DurĂ©e. 1h49

Espion, secoue-toi. par Benoît Smith

Ipcress – Danger immédiat

The Ipcress File

IdĂ©e sympathique que celle qu’eut en 1965 Harry Saltzman, alors heureux producteur des aventures cinĂ©matographiques de James Bond. proposer une alternative radicale au dynamisme et au glamour bien calibrĂ©s caractĂ©ristiques de son produit-phare. Le rĂ©sultat, s’il fut Ă  sa façon un signe avant-coureur du virage pessimiste et rĂ©aliste du film d’espionnage jusqu’Ă  son incarnation actuelle [1]. est avant tout une tentative originale de variation dans un mĂŞme genre, l’ironique et amer revers de mĂ©daille offert de lui-mĂŞme par un divertissement populaire, dont on peut regretter qu’il n’ait pas concrĂ©tisĂ© plus avant ses vellĂ©itĂ©s d’irrĂ©vĂ©rence.

L’espion qu’on ignorait

Ipcress – Danger immĂ©diat rĂ©sonne comme un James Bond (John Barry est Ă  la baguette). Il a la couleur d’un James Bond (chef opĂ©rateur, monteur et directeur artistique viennent de la mĂŞme Ă©quipe Ă  l’Ĺ“uvre sur Dr No. Goldfinger etc). Et pourtant, s’appuyant sur une Ă©quipe Ă©prouvĂ©e, c’est bien une sorte d’anti-James Bond qu’a voulu proposer Saltzman en faisant adapter des romans non plus de Ian Fleming, mais de Len Deighton. Au smoking, au vodka-martini et Ă  la virilitĂ© inĂ©branlable de l’officier incarnĂ© par Sean Connery, s’opposent donc l’imper, le look terne Ă  grosses lunettes carrĂ©es et le cafĂ© prĂ©parĂ© au saut du lit de Michael Caine dans le rĂ´le du peu recommandable Harry Palmer [2]. agent mal dĂ©grossi, au casier judiciaire embarrassant, en dĂ©licatesse avec la hiĂ©rarchie et mĂŞme d’une efficacitĂ© discutable. Face Ă  cet antihĂ©ros, l’image cinĂ©matographique des services d’espionnage en prend aussi un coup. Pour Bond, elle se limitait Ă  un chef confiant envers son agent « double-zĂ©ro », une secrĂ©taire toujours fantasmĂ©e et un fournisseur en gadgets – sans parler des missions et des adversaires hauts en couleur. Palmer, lui, doit se coltiner une facette beaucoup moins glamour des mĂ©tiers du renseignement. les travaux de bureau, les tracasseries administratives tributaires de formulaires aux rĂ©fĂ©rences imprononçables, les coups tordus entre services, les actions de terrain frustrantes et les collègues fĂ©minines fuyantes. MĂŞme l’exotisme des aventures internationales de l’agent 007 trouve ici son contrepoint ironique, avec cette prĂ©tendue geĂ´le albanaise qui se rĂ©vèle un triste hangar londonien – un studio en somme, comme ceux d’oĂą ces films sont issus.

On ne ricane que deux fois

Cette redĂ©finition des repères du film d’espionnage forme un contexte attrayant par son rapprochement avec une certaine rĂ©alitĂ©, par le regard goguenard et dĂ©mystificateur jetĂ© sur le cousin propre sur lui, le fantasme Bond encore en plein essor. Mais un contexte seulement. C’est-Ă -dire que passĂ© l’heureuse surprise de la dĂ©couverte, les touches de dĂ©calage, de rĂ©alisme et de dĂ©rision tendent Ă  se fondre en un dĂ©cor pour un film de genre pas honteux, mais sur le fond pas si rĂ©volutionnaire que ça, oĂą rien ne prolonge vraiment l’entreprise de dĂ©capage esquissĂ©e. Les Ă©pisodes d’ironie sur les services secrets de Sa MajestĂ© ont beau servir d’intermèdes rĂ©jouissants, le douteux Palmer a beau ĂŞtre un mauvais garçon au look dĂ©plorable et aux initiatives discutables, on nous rassurera in fine sur le fait qu’il travaille bien fidèlement pour la Couronne et que les services secrets de Sa MajestĂ© savent s’occuper de leurs brebis galeuses. Les traits lancĂ©s vers une perception glamourisĂ©e du genre restent figĂ©s dans le flegme du cinĂ©ma de studio britannique qui ne se laisse pas perturber facilement.

Filmer n’est pas jouer

Outre le talent de Michael Caine Ă  incarner le bad boy au service de Sa MajestĂ©, la plus visible tentative d’incarnation du contre-pied offert par la production rĂ©side dans la mise en scène dĂ©monstrative du Canadien Sidney J. Furie, fĂ»t-ce aux dĂ©pens du contrĂ´le de Saltzman sur son produit. Étranger Ă  la «famille Bond», s’Ă©tant signalĂ© Ă  son Ă©quipe dès le premier jour de tournage en jetant au feu le scĂ©nario, Furie n’a de cesse, durant tout le film, d’appliquer son propre sens de la subversion sur l’entreprise. Mais on ne peut pas dire que cela fait beaucoup dĂ©coller l’ensemble. Sa rĂ©alisation Ă©voque une version hypertrophiĂ©e et systĂ©matique du Troisième Homme de Carol Reed, avec sa multiplication des cadrages obliques ou Ă  demi obstruĂ©s aux points de vue alambiquĂ©s, pour simuler le regard dĂ©tournĂ© sur un univers moins droit et rigoureux qu’il prĂ©tend ĂŞtre. Sur la longueur, la mĂ©thode s’avère une manière un peu artificielle de dĂ©tourner l’imagerie du film d’espionnage. Furie cherche moins Ă  casser des codes et Ă  mettre au jour ce qu’ils refoulent (la mĂ©diocritĂ© des enjeux et des appĂ©tits de chacun) qu’Ă  imposer une patte d’originalitĂ© fabriquĂ©e, Ă  superposer ses propres systĂ©matismes (jusqu’Ă  rĂ©pĂ©ter certaines compositions de plans) sur ceux de la fabrication en studio. MĂŞme convergeant avec les dialogues piquants, les personnages fuyants et le contexte quasi kafkaĂŻen, les acrobaties de la camĂ©ra restent de trop, comme quelqu’un qu’on verrait faire de pĂ©nibles grimaces pour se faire remarquer alors que personne ne l’a invitĂ©. Les facĂ©ties visuelles de Furie donnent au film un design qui lui assure aujourd’hui encore un petit statut discutable de «film culte», mais ne se posent pas vraiment en marque d’une individualitĂ© et d’une vision pertinentes.

Les espions sont Ă©ternels

La franchise cinĂ©matographique Harry Palmer n’aura pas eu la mĂŞme longĂ©vitĂ© que celle de James Bond. depuis 1965, Ipcress – Danger immĂ©diat n’a connu que quatre suites peu mĂ©morables, la dernière en 1996, toutes avec Michael Caine Ă  des âges divers. Quant Ă  Sidney J. Furie, il a emportĂ© ses maniĂ©rismes jusqu’Ă  Hollywood oĂą il poursuit aujourd’hui encore une carrière sans grand Ă©clat portĂ©e sur les genres musclĂ©s, entre un Superman IV coulĂ© par la pingrerie de la redoutable Golan-Globus et une poignĂ©e d’Aigle de Fer qui ne marqueront pas l’histoire du cinĂ©ma d’action. Du miroir dĂ©formant d’un fantasme masculin de cinĂ©ma ne subsiste guère qu’une rĂ©crĂ©ation Ă  la touche un peu dĂ©calĂ©e, dont la sĂ©rie tĂ©lĂ© Mission. Impossible. par exemple, s’est par ailleurs avouĂ©e en partie redevable. Du moins lui saura-t-on grĂ© d’avoir prĂ©cĂ©dĂ© de peu un mouvement de mode oĂą les espions de cinĂ©ma perdraient de leur superbe pour s’empreindre de la grisaille d’une lutte souterraine bien d’actualitĂ©.

  1. [1] La mĂŞme annĂ©e, un Ă©crivain sensiblement moins « fun » que Ian Fleming ou Len Deighton allait ĂŞtre adaptĂ© Ă  l’Ă©cran pour la première fois. John Le CarrĂ©, avec L’Espion qui venait du froid rĂ©alisĂ© par Martin Ritt.
  2. [2] Comme pour James Bond, mais de façon plus agressive encore, les producteurs ont tenu Ă  affubler le hĂ©ros espion du nom le plus passe-partout voire insipide qu’on puisse trouver. C’est tout de mĂŞme une lĂ©gère trahison des romans de Leighton, oĂą ce personnage reste carrĂ©ment anonyme !